8 juillet 2015, ma vie à fait un 180 degré: comment je m’en sors après trois ans

Pendant trois ans je crois n’avoir publié que deux photos sur les réseaux sociaux. Je savais que je n’étais pas prête et je savais que si je le faisais trop tôt ce ne serait pas fait comme il faut. Avec mon blogue, j’ai cru que le moment était venu de parler un peu de ce qui s’est passé la veille de mon 28e anniversaire.

8 juillet 2015

Il est 18:05 et Marc-Antoine n’est toujours pas revenu du travail. Je m’en fais un peu. Je l’avais appelé en quittant le bureau pour l’avertir que je m’en venais, mais pas de réponse. J’ai eu peur dans l’autobus en voyant l’appel manqué d’un sergent de police de ma ville. En fait j’ai eu peur que les voisins aient fait une plainte parce que j’avais arrosé beaucoup ces derniers jours. En ouvrant la porte de la maison, ces souliers n’étaient pas dans l’entrée.

Je me suis changée et j’ai pris mon verre d’eau pour aller l’attendre pour souper. Je me dirigeais sur le patio quand j’ai vu un véhicule de police stationné en diagonale de la maison. Ils sont sortis avec une inspectrice et se dirigeaient vers moi. J’ai compris qu’ils venaient m’annoncer quelque chose. Ils voulaient passer par la cour, mais je les ai dirigés vers la porte d’entrée. L’inspectrice ma demandée de m’asseoir à la cuisine. Elle m’a regardé dans les yeux et m’a de mandé si Marc était bien mon mari. Elle m’a ensuite dit que Marc avait eu un accident de vélo en revenant du travail (mon cœur s’est mis à battre très fort) et qu’il était mort sur le coup. J’ai figé… « Non ce n’est pas vrai c’est une blague ». Le visage des agents de police resté en retrait debout derrière elle en disait long. Ce n’était pas une blague.

J’ai perdu la notion du temps, mais je sais que j’ai répété longtemps que c’était une blague. Je ne cessais de lui demandé si elle était certaine qu’il ne pouvait pas s’en sortit. Pendant ce temps, ma tête déroulait à vitesse grand V une file d’images de ma réalité dans le futur. J’allais être seule… l’inspectrice ne cessait de me regarder dans les yeux et de répéter « Non il n’y a aucune chance ». Elle m’a forcée a appelé quelqu’un. J’ai appelé mes parents, puis les membres de la famille pour leur annoncé. J’ai eu le droit à une panoplie de réaction. Une sœur qui tombe en état de choc, une autre qui fond en larmes, une qui reste la tête froide. Des parents qui deviennent soudainement silencieux, des amis qui n’ont plus de mots. Lorsqu’un bon ami, celui qui tait le plus proche, est arrivé, je suis tombée dans ses bras. Le vide dans mon cœur s’est lentement élargi. J’ai ensuite été vaguement dirigé pour la suite et l’inspectrice est partie.

Avant de quitter, un des agents m’a demandé s’il pouvait me dire quelque chose. « Je sais ce que tu ressens. Quand j’avais quatorze ans, des policiers sont venus, comme nous, pour voir ma mère pour lui annoncer que mon père avait eu un accident de la route fatal. Je comprends ta douleur et je sais que tu as l’impression que ça ne passera pas, mais la douleur va s’estomper. C’est difficile pour moi d’être ici. Je ne fais jamais d’annonce de décès et je sais comment c’est difficile pour toi. Si jamais je peux t’offrir mon aide… »

« Est-ce que tu pourrais me prendre dans tes bras ? » Il n’a pas hésité et ma ouvert ses bras. Son gilet pare-balle était dur contre ma joue. Sa radio pesait sur mon front et les larmes coulaient à flots. Il me serrait si fort. J’étais bien dans ses bras. Je me sentais petite et protégée. Je me rappelle que lorsque les quelques larmes que j’ai réussi à verser ont pointé dans mes yeux, il était allé me trouver des mouchoirs dans la salle de bain. Cet homme m’a tellement marqué. Je me rappellerais de lui toute ma vie.

Puis, les agents et l’inspectrice ont dû repartir. Tout à dérouler rapidement ensuite. Je me suis retrouvée seule pendant que l’un allait chercher ma belle-sœur et que ma mère arrive de Gatineau. Je suis restée au téléphone avec mon père à hurler et pleuré de douleur. Ma plus grande peur était que j’allais me retrouver à la rue et que j’allais perdre la magnifique maison que Marc m’avait achetée. J’ai eu si mal et si fort pendant ce petit laps de temps, que lorsque tout le monde est arrivé, je ne pleurais plus. Mon cœur avait semblé cesser de battre.

Puis, la famille a commencé à arriver au compte-gouttes. Ma mère, mon frère, mes beaux-frères et belles-sœurs. Moi j’étais couché en boule dans mon salon rempli de boîtes de carton. J’avais les renards en peluche de mon défunt mari dans les bras et je fixais notre photo de mariage.

En fin de soirée un médecin de la morgue m’a contacté pour me poser des questions sur le corps. C’est maman qui à pris charge de faire la transition entre lui et les futurs intervenants. Je lui ai demandé s’il avait toujours son alliance, si je pouvais l’avoir. Il me promit de me l’envoyer avec le corps dès que j’aurais choisi le salon funéraire. Je me suis couchée tard, épuisée et le cœur en lambeaux.

Je ne sais pas encore où j’ai trouvé la force et le courage de continuer. Les journées suivantes ont été toutes aussi difficiles. Je suis devenue la liquidatrice de la succession de mon mari et avec ce titre j’ai aussi eu droit à la tâche de régler tous les papiers et fermer les dossiers. Maman a fait la majeure partie du travail pendant la première semaine et demie, puis j’ai pris le relais.

La journée des funérailles, je me sentais épuisée et vidée. En une semaine j’avais perdu 20 livres, je ne mangeais plus parce que je ne tolérais plus la nourriture. Une seule fraise me tordait le ventre. Je me suis vêtue de ma plus belle robe et j’ai embarqué dans la Subaru pour suivre le cortège. Je ne voulais pas qu’on me conduise, j’allais être celle qui allait suivre le corps de mon mari jusqu’au cimetière. Plus de 600 personnes se sont déplacées pour le service. J’ai apprécié la présence de chacun. Puis le moment est venu de laisser le corps de Marc-Antoine dans son petit coin au cimetière. Mon frère a gentiment accepté de prendre quelques photos au cimetière.

Maintenant, j’ai une nouvelle vie. Le décès de mon mari m’a enlevé brutalement tout ce que j’aimais et les rêves que je berçais. Mais j’ai aussi gagné une nouvelle vie qui me convient. Je suis retrouvée à l’université pour suivre des études en histoire de l’art, j’ai un amoureux qui me chérit et m’adore, j’ai deux enfants, des jumeaux, qui m’aiment de jours en jours. Être belle-mère ce n’est pas toujours facile, mais c’est une aventure qui me convient. Marc me manque encore, dans les premières années le suicide m’a souvent trotté dans la tête. Avec le temps qui passe, les blessures se referment et l’amour de mes hommes me guérit de plus en plus.

Marjorie

Robe originale de Jorie Design

Photo : Olivier Charbonneau pour Karma Photo

14 commentaires sur “8 juillet 2015, ma vie à fait un 180 degré: comment je m’en sors après trois ans

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  1. Je suis contente de te voir si heureuse malgré tous tu est un femme en or! Forte et formidables, merci de partager ce moment si personnelle et difficile xoxox

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  2. Quel article fort en émotion ! Cela m’a rappelé certains moments durs de ma vie et quand je le lis, je me dis qu’avec du courage, on peut tout surmonter !

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  3. C’est étrange de lire tout ça. Parce que j’ai l’impression que ça c’est produit hier. Je crois qu’il n’y a pas une journée qui passe sans que je pense à lui. Mais comme tu dis, le temps… xxx

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  4. Ma belle Marjorie, comme tu es un exemple pour ceux et celles qui vivent des épreuves qui semblent insurmontable dans le moment. Je suis tellement heureuse que tu aies finalement trouvé le bonheur et que tu as su surmonter cette période extrêmement difficile. Je t’aime ma belle!!!

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  5. Quel beau témoignage.
    C’est emplie de vie, de beauté et de sérénité et ce, malgré le décès.
    J’en suis émue.
    Selon les Premières Nations, la mort fait partie de la vie.
    Tu as une belle plume tout aussi authentique que toi.
    Tu me manques jolie Marjorie 😘

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